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Because

1 novembre 2007

La Chair et le Sang

Mathilde étendit ses mains devant elle. Le soleil couchant qui rosissait la fenêtre les rendaient semblables à deux précieuses opalines.

Sur la couverture de mohair noir, elles redevenaient des objets ivoiriens, inutiles, puisque Mathilde ne faisait plus rien de ses mains.

L’infirmière venait de prendre congé. C’était l’heure à laquelle Pierre arrivait tous les soirs. Mais Mathilde exigeait que l’infirmière s’en allât un peu avant. Elle ne voulait partager avec personne le retour de son mari. Face à la fenêtre, elle guettait, en alerte; et soudain son cœur bondissait. Ce soir-là, comme  les autres.

Elle le voyait, auréolé de roux, cheminant las et voûté entre les sapins de l’unique allée qui s’enfonçait dans le bois. A chacun de ses pas, elle discernait un nouveau détail, les poches alourdies par les trouvailles de la journée, la mèche qui barrait le front de rides profondes, les mains puissantes, tellement actives.

Il entrait, il était là.

- Bonsoir, Mathilde !

- Bonsoir, mon chéri.

C’était lui qui préparait le repas. Il savait tout faire, la cuisine comme le ménage, comme la lessive . Mais sa peinture et sa sculpture ne valaient rien.

Autrefois, des éternités auparavant, ils avaient eu un magasin d’antiquités, dans la rue Boulle. Pierre avait un goût prononcé pour les objets étranges et les touristes venaient lui acheter des pierres bizarres, des bois roulés par la mer, des poteries anciennes minutieusement reconstituées. Mathilde n’aimait pas le magasin ni ce qu’on y vendait mais elle aimait Pierre. Assise au milieu de ce fatras, elle se savait belle et rare. Souvent, un client s’arrêtait devant elle, et Mathilde devinait qu’il avait la fugitive intention de demander si elle était à vendre. Son immobilité, sa grâce fragile, son style suranné en faisaient une exquise automate figée par le temps. Mais personne ne pouvait acheter Mathilde. Peut-être avait-elle rêvé de cœurs qui battent, de corps qui se prennent, de souffles qui gémissent, de bouches qui s’enlacent, de mains qui s’emmêlent, de regards unis. Des soupirs et des inquiétudes. Des Histoires d’Enfants qui grandissent. Elle appartenait à Pierre, complètement. Et il lui appartenait aussi complètement jusqu’au jour où Caroline était entrée dans le magasin. Elle ressemblait un peu à Pierre

et d’abord Mathilde s’était laisser émouvoir par cette affinité. Rousse comme lui, grande, animale, pleine d’une vie mouvementée, d’un feu qui embellissait les endroits où elle se trouvait, rayonnante dans un corps sublimé par la flamme comme une once d’or dans un athanor. Sa chaleur et son pouvoir avaient envahi la boutique de la rue Boulle et Pierre était tombé amoureux de cette demi-sœur.

L’amour était devenu passion dévorante et Mathilde, en traversant une rue s’était fait renverser par une voiture.

Chaque fois qu’elle repensait les événements, Mathilde était frappée par leur logique. Cette voiture, de tout temps, avait été destinée à interrompre sa souffrance abominable. Elle était vraiment revenue à la vie sur le lit d’hôpital, au milieu des fleurs et sous le regard angoissé de Pierre. Ils n’avaient plus jamais reparlé de Caroline. Un an après, Mathilde ne pouvait toujours pas marcher. Elle avait suivi docilement tous les conseils des médecins. Les massages et les exercices de rééducation n’avaient jamais entamé sa sérénité. Maintenant, le magasin était vendu et ils habitaient là, au milieu des bois, sans voir personne, sauf cette infirmière compétente, dévouée et discrète.      

La nuit, Mathilde dormait aux côtés de Pierre. Parfois, elle le réveillait pour qu’il aille lui chercher un verre d’eau ou autre chose. Mais, la plupart du temps, elle ne le  réveillait pas car il était sous l’emprise des cachets de somnifère et il dormait d’un sommeil comateux dont rien n’aurait pu le tirer.

Chaque jour, il vieillissait un peu plus, il se courbait, il se minait. Même aux premiers temps de leur amour, Pierre n’appartenait pas aussi complètement à Mathilde. Elle le tenait en son pouvoir, comme Caroline n’aurait jamais pu le faire. Car cette emprise ne devait rien à la chair. Jamais plus Mathilde ne laisserait Pierre la toucher et il le savait bien. Il savait aussi qu’il n’aurait pas assez de toute sa vie pour réparer. Sa responsabilité était entière et il en avait pleinement conscience.

Depuis un mois, c’était encore mieux. Mathilde atteignait Pierre d’une autre manière. Les nuits où il dormait le plus profondément, un animal s’introduisait dans l’atelier dont il cassait un carreau. Il saccageait les dernières toiles ou brisait la dernière sculpture. Au matin, Pierre poussait des exclamations désolées et  vindicatives. Il disposait des pièges, consolidait  les fermetures. Il partait ensuite 

avec son fusil. Mathilde regardait s’éloigner la silhouette massive et impuissante. Elle souriait et hochait la tête. Comment Pierre aurait-il pu deviner que les jambes de Mathilde la portaient sans défaillance quand elle le désirait ? Comment aurait-il pu deviner qu’elle l’aimait avec assez de force pour feindre et pour être décidée à le faire toute sa vie ? Mais il devait payer cet amour et souffrir de trouver ses mauvaises œuvres détruites, chaque fois que Mathilde le désirerait.

Chaque jour, après le déjeuner, Pierre s’en allait dans le bois, parfois avec son chevalet, ses boîtes, ses pinceaux pour torcher quelque vilain paysage. Avec son couteau, il fabriquait d’affreux personnages dans les morceaux de bois qu’il jugeait digne de son talent.

Escargots décoquillés, limaces séchées et élimées, bouts de métal ciselés et absurdes, croix de Nazareth sculptées dans ce qu’il croyait être du cèdre du Liban, collages improbables et vains d’une expression de désirs et de souffrances. Lors de l’une de ses quêtes, il avait trouvé une mue de bois de cerf, trophée rarissime, qu’il avait caressé sensuellement comme un psychopathe caresse la folie, comme un gamin qui a besoin de se distraire.

Il avait essayé l’écriture. Nuits blanches de pages vides. L’imagination permettra l’écriture et la vie permet tout, pensait-il. Athanor de mélancolies, de désespoirs, d’intimités fragiles, d’instants fugaces et mélodieux, de rêves douloureux, acidulés ou fruités.

Son écriture ne valait rien.

Tous les jours, Mathilde le regardait s’éloigner. Jusqu’au détour du chemin, elle voyait son grand dos musclé, ses larges épaules affaissées.

Après, elle ne pouvait plus voir Pierre redressé, brûlant d’ardeur et d’amour, marchant si vite qu’il atteignait bientôt la maison presque semblable où l’attendait Caroline, à qui il était pressé de raconter les dernières destructions de Mathilde, la fausse infirme éternellement prisonnière de son mensonge.

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1 novembre 2007

Intra Muros

        La nuit te ceinture. Il y a un corps sous tes eaux, un cœur secret, la corde d’un chemin, et puis, au centre, cette place ronde comme le ventre d’une jeune fille.
        La rouille des lierres éclate ton front.
Les mains des maçons caressent ta ressemblance. Tu t’arraches au sommeil, à l’engourdi des étangs.
L’homme qui franchit ta porte est une voyelle que tu balbuties. Tu empoignes les racines, tu les enfouis plus loin. Tu te gorges de l’ombre des pas. L’enfance s’est endormie sous le carillon de tes pierres, inaudible encore, à l’abri d’assauts et de bousculades.
    Il y a une autre vie dans ton silence.
Et tu tournes, tournes, tournes sur toi-même, infatigable. C’est comme du sang de brique, un oiseau dans ta chair, immobile. Tu es la chute qui te guette. Ton flanc s’ouvre sur un amour d’arbre et de ronce. Tu rêves à la fuite impérieuse, friable, à un visage de ciel et de buisson. Tes eaux débordent parfois comme la joie pure. Noir cendré de ta folie.
        Le siècle est cette vie enfoncée comme un pieu dans ta main. Un peu de lumière cherche une issue.
        Tu la berces dans tes caves comme le souffle des gens d’ici. Il parle de toi comme d’une femme inaccessible.

1 novembre 2007

Cette main

Cette main  de  plume


Ces doigts  emplis  d’encre  et  de  mots


Que me  disait-elle ?…


1 novembre 2007

Les griffes du chat

Entre la matière et l’esprit, l’écriture a des fenêtres et des miroirs. L’acier, la pierre, la glace et le sang ouvrent une brèche, un passage appuyé. Tous les mots disent la même chose, mais tous ont une force singulière. Dans ce travail en quatre dimensions, l’intuition du Tout est approchée non comme un savoir, mais comme quelque chose  d’authentique et qui se transforme dans l’œuvre. En créant une tension entre celui  qui lit et une forme abstraite, l’auteur transforme l’énergie en seuil du champ de vision vers l’intériorité. Il faut supposer l’univers du sensible et de l’émotion.

Suspendre, accumuler, déployer du réel, en détourner la banalité vers une présence forte, un volume de mots.

L’obsession est étendue, écoutée pour elle-même, parce qu’il redécouvre, apprivoise et partage dans des formes rituelles d’apaisement.

         Ecriture

Elle est totémique, puissante, dressée vers l’utopie du cosmique.

Elle a quelque chose à voir avec les pierres levées, avec l’inquiétude de l’infini, son métal et sa craie. Elle est une sorte de transcendance brute.

Elle a la rudesse et le tranchant des quatre éléments. Mais aussi la poésie, la finesse des écorces et des sèves.

C’est une fraternité qui met à nu les arbres : leur croissance, leur mort, leur langage. La vie avec ses métamorphoses et ses tempêtes est vivifiée dans la matière par la rencontre des contraires.

         Ecriture

Assembler, lier, plier, souder, arc-bouter, rouiller, fendre, suspendre, composent des mots à la fois saisissables et incompréhensibles, insaisissables et cohérents, finis et inachevés, en mouvement dans leur transformation.

Agencements éphémères.

Une sorte d’instinct à l’œuvre dans la torsion et l’accumulation, l’alignement et l’éclatement, l’équilibre et la chute, dressant des formes de syllabes au levant de l’archaïque et du raisonné.

La pluie, le vent, la neige, l’orage deviennent des supports. Le mot devient signe et rythme.

Un fourmillement de signes qui parlent toutes les langues.

           Ecriture

Ces mots avancent avec une énergie, un langage et des obsessions qui leur sont propres.

1 novembre 2007

Because.

Parce que, cela implique pourquoi. Car c'est de cela que ce blog traite : du pourquoi. De quoi ? Eh bien, de tout, tout vient de quelque part non ? Et pourquoi ? Bonne qustion, tiens. Et si on y réfléchissait ensemble ? Je vous propose mon élcairage à moi sur des milliers de pourquoi que je vous pose aussi et vous – non, pas de vous, remarquez. Personne ne risque de me lire... Et pourquoi ?

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Because
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